Bonjour à tous, voici comment se sont passés les mois de septembre et octobre.
Tout d’abord, et c’est le plus important, nous avons eu la joie d’accueillir deux infirmières espagnoles, Ana de Barcelone, et Susana de Valence. Elles nous ont accompagnés plus d’un mois comme nous l’avions fait à l’époque avec Teresa et Emiliano, et elles envisagent la possibilité de nous remplacer l’année prochaine, puisqu’en décembre se finit notre séjour au Turkana.
Elles ont très envie de vivre une expérience particulière, et d’apprendre, avant tout, la vie des turkanas. Ce que nous vivons ici est si différent! Dans la prochaine lettre d’actualité, nous espérons avoir des réponses positives.
Avec Ana et Susana est arrivée une nouvelle infirmière locale, Zippora, née au Turkana. Elle termine ses études dans quelques mois et a déjà intégré notre équipe. Elle est très heureuse de travailler avec nous et a beaucoup d’affinité avec les patients.
Les cliniques réalisées ces deux mois sont : Nalempetet, Maisa, Lobur, Kangkala, Kibish, Meyan y Liwan. Nous vivons actuellement la saison des pluies et il y a beaucoup de migrations, ce qui s’est ressenti dans la charge de travail. Nous n’avons pas pu nous occuper d’autant de patients que les mois précédents.
La clinique de Lobur commence à ne plus être nécessaire ; nous y faisons seulement des vaccins et la surveillance des grossesses, et il y en a de moins en moins. Les personnes malades se rendent au dispensaire de Napeikar. Nous avons décidé de terminer les dernières vaccinations et d’inviter les personnes à se rendre, comme les malades, à Napeikar chaque mois. Ainsi, nous pourrons petit à petit supprimer cette clinique et disposer d’une journée libre pour chercher une nouvelle population à soigner.
C’est ce qui se passe aussi avec la clinique de Nalempetet. Dans les dernières lettres d’actualité, nous vous racontions que dans cette clinique, située très près du dispensaire de Kokuro, nous nous sommes concentrés uniquement sur les vaccinations et suivis de grossesses. Lors de nos deux derniers passages, nous nous sommes occupés respectivement de seulement 4 et 3 enfants, et une seule femme enceinte.
Joséphine nous a raconté qu’à quelques kilomètres de l’endroit où nous nous rendons pour réaliser cette clinique, il existe un village un peu plus grand qui a pourrait avoir besoin d’aide. Lors de notre dernier passage à Nalempetet, nous nous sommes donc rendus dans ce village.
Nous avons découvert une population bien plus importante qui manque de dispensaire ou de personnel sanitaire. Nous avons donc décidé que le mois prochain, nous essaierons de rassembler la population pour démarrer une nouvelle clinique.
Nous avons également réalisé la clinique de Kibish. A l’époque, Emiliano et Teresa avaient fait cette clinique, mais peu avant notre arrivée, ils avaient cessé de s’y rendre car la mise en place de personnel du gouvernement était prévue.
Cependant, nous avons reçu des plaintes de la population de ce que rien n’avait été fait, les gens ayant peur d’aller travailler si loin, aussi près de la frontière avec l’Ethiopie et le Soudan où les querellés et les affrontements avec les armes, entre tribus, sont constants.
La première fois que nous y sommes allés, au mois d’août, nous avons pu constater le peu de surveillance de cette population. Les deux mois suivants, nous avons eu beaucoup de travail. Les plus nécessiteux sont les plus jeunes. Il y a beaucoup d’enfants qui n’ont pas encore été vaccinés. En septembre et octobre, nous nous sommes respectivement occupés de 21 et 43 nouveaux cas de vaccinations, en plus du suivi des vaccinations initiées en août. Nous avons également soigné 78 cas de maladies.
S’agissant des autres cliniques, il n’y a pas eu de grands changements. Le rythme de travail est bon, bien qu’il ait un peu diminué en raison des migrations.
Les cliniques où nous avons noté le plus de départ de la population sont Meyan et Maisa.
Liwan continue d’être l’une des plus grandes cliniques mobiles et ne cesse de prendre de l’importance.
A Kangkala, nous avons même un groupe de « fidèles » patients.
Dans ces deux cliniques, le nombre d’enfants vermifugés parle de lui-même : 87 dans la première, 43 dans la seconde.
Un des nouveaux projets que nous avons mis en place et qui commence à prendre forme est celui des moustiquaires. Nous avons fait plusieurs réunions cette année durant lesquelles les turkanas ont manifesté leur préoccupation concernant la malaria, et la nécessité d’avoir des moustiquaires dans le village. Ces derniers mois, nous avons cherché les prix les plus accessibles et nous en avons trouvé à un prix très raisonnable (300 shillings, environ 3 euros). Nous avons donc acheté des moustiquaires et les avons rapportées à Napeikar pour les vendre au même prix, ou à défaut d’argent, nous avons permis un échange de 7 moustiquaire contre une chèvre (dont le prix approche les 1500 shillings).
Pour augmenter les visites des femmes enceintes au dispensaire, nous proposons des moustiquaires à moitié prix à toutes celles qui viennent au contrôle mensuel, et gratuites à celles qui nous préviennent au moment de l’accouchement.
Nous avons organisé la dernière réunion pour informer la population de l’arrivée imminente de « El Niño » au Turkana, occasionnant des fortes tempêtes accompagnées de pluies diluviennes pouvant provoquer d’importantes inondations. Parmi les risques graves qui peuvent en résulter, le plus important est la malaria puisqu’avec l’accumulation d’eau, la quantité d’insectes, dont les moustiques porteurs de la maladie, augmente.
Lors de la réunion, nous les avons informés de ce que nous disposions enfin des moustiquaires et la même semaine, consciencieusement, ils ont commencé à les acheter.
Il y a quelques temps, nous vous avions informés du début des travaux du nouveau dispensaire, qui avançaient à grande vitesse, et nous espérions qu’ils soient finis prochainement. Cependant, les travaux ont dû être interrompus car le Gouvernement a cessé de payer les ouvriers. A ce jour, ils n’ont pas repris. Dans cette situation, cela nous surprend qu’il y ait autant d’écart selon la destination des ressources du Gouvernement. Par exemple, au dispensaire de Kibish qui est complètement équipé, il n’y a personne qui travaille ; tandis que dans notre dispensaire, où des gens travaille tous les jours, il serait très utile d’avoir au minimum l’électricité et un réfrigérateur dans lequel stocker les vaccins et les médicaments.
Nous espérons qu’ils reprennent le travail bientôt !
Ces derniers mois, nous avons eu des cas intéressants et émouvants.
Le premier fut lorsque nous avons été prévenus d’un blessé par balle à la poitrine provenant de Kangkala. Il avait été blessé la nuit d’avant et présentait un orifice de balle qui traversait le poumon gauche de part en part, ce qui l’empêchait de bien respirer. Nous l’avons stabilisé et l’avons transféré en urgence à Lodwar sous sédation – analgésie.
Kamuya, l’un de nos conducteurs, s’est cassé le bras droit, à l’occasion d’une mauvaise chute en motocyclette. La fracture était assez sévère. Nous l’avons immobilisé et lui avons administré un analgésique puissant pour qu’il supporte le voyage à Lodwar. Après plusieurs semaines de repos, Kamuya a bien récupéré et depuis, il n’arrête pas de nous demander quelle drogue on lui a donné car il n’a rien senti du tout !
Nous avons eu plusieurs cas de brulures sur enfants. A la maison, les accidents avec l’eau bouillante de la cuisine sont courants, mais dans deux cas, ces incidents furent assez graves. L’un d’eux, âgé de 6 mois, a souffert de brulures sur les deux bras, le visage et la jambe gauche. Le second s’est brulé la main et une partie de l’avant-bras et les brulures étaient potentiellement infectieuses.
Pendant une semaine, nous leur avons fait des soins, mais la semaine d’après, les deux mères ont cessé de venir. C’est un exemple de la difficulté de notre travail ici. Les turkanas ont leurs coutumes et ils suivent leur propre système de croyances qui est très différent du notre. Nous sommes habitués à traiter la maladie jusqu’à complète guérison, avec la mise en œuvre de soins qui diminuent au maximum la souffrance inutile. Il est très difficile de leur faire comprendre le concept de la nécessité de soins continus. Ils ne comprennent pas les risques d'infection, la nécessité de poursuivre les soins pour obtenir une cicatrisation optimale, sans séquelles. Pour eux, prendre soin de la famille en s'occupantx du bétail et des enfants a plus d’importance qu’une «blessure » dont ils pensent qu’elle ne va pas causer d’invalidité majeure.
Nous savons que cette lésion ne va pas entrainer le décès de l’enfant, et pour eux cela est suffisant. Ils agissent de la même ménière pour les adultes et les enfants.
En général, cette manière de faire peut donner l’image d’être plus forts ; cependant, nous nous efforçons de continuer de les protéger, sans entendre que c’est leur manière de vivre. C’est l’une des leçons qu’ils nous ont données. Malgré tout, nous ne pouvons nous empêcher de nous préoccuper pour eux, et surtout des plus petits.
Voilà pour ces derniers mois. Maintenant, le mois de décembre approche ; ça sera la fin d’une étape avec notre départ et l’arrivée de nouveaux volontaires. Nous sommes très émus et à la fois attristés de laisser notre vie en Turkana. Mais nous partons très heureux de tout ce que nous avons partagé et appris ici, pas seulement comme infireniez, mais aussi sur le plan humain. Nous partons avec des centaines de prénoms dans le cœur et mille anecdotes à partager avec le reste du monde.
Nous sommes certains que les prochains poursuivront le projet avec une même, voire plus grande implication et motivation que nous, pour aider à ce que ce projet continue de nombreuses années.
Nous vous encourageons tous à venir vivre cette expérience.
Nous vous aimons et vous embrassons fort !
Andrès et Elena.
Ejokonoï est une association à but non lucratif, régie par la loi du 1er juillet 1901. Parution au JO du 15 juin 2013.