Nous voilà de retour avec un mois chargé de nouvelles péripéties. Nous avons de très bonnes nouvelles, et différents cas curieux à vous raconter. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : en Mai nous avons examiné 284 adultes, 142 enfants. 40 femmes enceintes sont venues faire leur contrôle prénatal et nous avons effectué 33 vaccinations. Une charge de travail incroyable ! Mais nos traducteurs Joséphine et Daniel nous ont beaucoup aidés. L'expérience de Joséphine nous facilite beaucoup le travail, et Daniel se sent chaque jour mieux intégré, non seulement dans les cliniques mais également avec ses responsabilités dans la communauté.
Les cliniques mobiles que nous avons fait ce mois-ci sont celles de Nalempetet, Kangkala, Liwan et Meyen. De plus, nous avons procédé à des vaccinations à Lobur et nous avons consacré une journée entière au déparasitage de 42 enfants d'un centre d’enfants de Napeikar.
Dans les cliniques, nous rencontrons toujours beaucoup de patients. Nous ratons souvent l'heure du déjeuner et, parfois, nous n'avons pas le temps de voir tous les patients, comme cela est arrivé à Liwan où la population est beaucoup plus élevée que dans les autres villages. A la clinique de Nalempetet par contre, trop de patients sont venus alors qu'ils ont à leur disposition le dispensaire de Kokuro à moins d'un kilomètre. Dans cette clinique, nous nous chargeons surtout de mettre à jour les vaccins des enfants et de contrôler les grossesses.
La première chose que nous faisons d’un déplacement, c'est le déparasitage des enfants. Nous organisons comme nous pouvons une file pour les laver un par un à l'eau sur tout le corps, surtout les mains et le visage, et ensuite nous leur donnons leur traitement. Nous marquons les enfants avec un feutre rouge sur le front pour ne pas nous mélanger et pour ne pas donner deux fois un traitement à un même enfant. En effet, les enfants prennent leur pastille comme s'il s'agissait d'une sucrerie et ils en redemandent. Les enfants plus âgés sont malins et tentent d'effacer leur marque, il faut être prudent.
Nous avons une grande nouvelle à partager!
Nous avons été informés qu'il est planifié de construire à Napeikar, non plus un dispensaire, mais un Centre de Santé. L'idée serait un bâtiment composé de huit chambres, un laboratoire, une salle d'examen, une salle d'accouchement... un autre bâtiment servira de domicile pour le personnel qui travaillera sur place et il y aura une réserve. Dans les jours à venir, les premiers camions et ouvriers vont arriver et vont commencer les travaux. Le représentant du ministère de la santé du Nord du Turkana, Matthew, nous a expliqué que le plan à long terme à Napeikar est d'avoir deux assistants médicaux et huit patients. Bien évidemment, le chemin est encore long mais il faut bien un commencement et nous sommes en train de le vivre.
Sur ces photos, vous pouvez constater l'état d'avancement après seulement deux semaines, c'est très encourageant !
D'autre part, nous continuons d'essayer de maintenir nos réunions avec nos travailleurs sociaux et le groupe de sage-femme. Nous continuons nos cours de premiers secours et de prévention, nous montrons aux travailleurs sociaux comment réaliser un test rapide du paludisme et lire le résultat, comment soigner une blessure et les bases d'une bonne hygiène corporelle. Nous faisons des réunions sanitaires avec les représentants du village de Napeikar, comme le chef, Phillipiano, et différents hommes et femmes, en plus de nos travailleurs sociaux. Nous leur demandons ce qui les préoccupent d'un point de vue sanitaire, ce qui nous donne des points de vue intéressants : le manque d'eau, l'hygiène, la nourriture, le manque de latrines et les moustiques. Nous prenons en compte leurs préoccupations afin de trouver des solutions, en leur expliquant bien que tout le monde doit faire des efforts et non seulement nous-autres. Pour le problème de latrines, nous les convainquons que c'est à eux de travailler sur ce problème et que nous les aiderons en leur fournissant du matériel. Pour le problème des moustiquaires, nous leur assurons que nous allons en trouver à faible prix et les amener au village, en échange d'argent ou de quelque chose de symbolique comme une ekicholon (petit siège/repose tête de fabrication artisanale) ou une poupée faite à la main. L'objectif est de leur montrer que nous sommes là pour les aider mais qu'il ne s'agit pas de tout faire nous-mêmes. Pour l'instant, nous sommes en train d'étudier les différentes moustiquaires qu'il y a à Lodward et comment nous pourrions trouver un accord pour ce projet. Nous sommes réellement impressionnés et satisfaits de la réaction positive de la population concernant nos propositions.
Aujourd'hui, avec l'eau disponible au dispensaire, il nous est beaucoup plus facile de montrer à la population comment ils doivent se laver et laver leurs vêtements. Nous avons beaucoup de mères qui viennent nous voir au dispensaire pour des blessures sur leurs enfants alors qu'il s'agit en fait de champignons. Nous en profitons pour leur expliquer à quel point il est important d'avoir une bonne hygiène. Nous réunissons les mères derrière le dispensaire, au niveau du réservoir d’eau, et nous les aidons à laver entièrement le corps de leur enfant, en insistant sur le visage et les mains. Ensuite, nous leur faisons bien comprendre que cela ne sert à rien si leurs vêtements ne sont jamais lavés. Cela nous paraît un point de départ fondamental pour améliorer la santé de la population. Nous essayons de montrer aux enfants que se laver c'est comme un jeu, mais parfois, il est difficile de mettre certains enfants au contact de l'eau. L'eau est très froide bien évidemment.
Comme nous vous l'avions annoncé en introduction, ce mois-ci nous avons eu de nombreux cas très curieux. Le cas le plus important a été la suspicion d'une spina bifida chez une fille nouveau-née (malformation neurologique qui se manifeste par une non fermeture de la colonne vertébrale, responsable de paralysies des membres inférieurs). Nous l'avons apportée à Lokitaung pour demander conseil à une pédiatre espagnole, Ana, qui nous a confirmé la pathologie et a demandé à ce qu'elle soit opérée. Nous l'avons maintenue sous traitement antibiotique jusqu'à ce nous arrivions à la faire emmener à Lodwar, d'où elle a pu être transférée à l'hôpital d' Eldoret, qui est doté d'un service de neurochirurgie pédiatrique.
Malgré l'urgence, il est très difficile de traiter ce genre de problème. Il a fallu attendre qu'un véhicule aille à Lodwar, trouver une solution financière pour aider la famille qui n'a pas un sou, trouver des contacts dans chaque lieu pour que la famille ne se retrouve pas toute seule, contacter le personnel d'Eldoret pour s'assurer que l'enfant était bien arrivée... A ce moment là, nous savions que la petite fille était bien à l'hôpital en attente de son opération, mais il a fallu un mois avant d'avoir un retour comme quoi l'opération s'était bien déroulée.
Un jour, en rentrant d'une clinique mobile à Napeikar, nous avons été avisé qu'un enfant s'était ouvert la tête, en coupant les branches d'un arbre avec son père. En arrivant à Lobur, nous le voyons nous attendant avec sa mère assise tranquillement, tenant un foulard. En découvrant la blessure, nous vîmes un grand « sept » qui occupait une bonne moitié de sa tête. Il nous a fallu un peu de temps pour le tranquilliser, et une fois calmé, nous l'avons recousu à deux.
Nous avons aussi eu affaire au cas d'un homme que l'on nous a emmené de Lobur avec une morsure de serpent au pied. L'accident avait eu lieu la nuit précédente et il continuait à perdre beaucoup de sang. Par tradition, de nombreuses entailles sur la blessure avaient été effectuées, pour tenter de faire sortir le poison. Vu de l'extérieur, l'homme avait l'air plutôt en bon état général, malgré une grande douleur et un œdème de l’ensemble du pied. Pendant trois jours, sa jambe n'a pas arrêté de saigner malgré le traitement, jusqu'à ce que cicatrise la blessure. Après deux semaines d'observation, il allait mieux et a pu rentrer chez lui. Les morsures avec ce type de venin peuvent être mortelles si elles ne sont pas traitées à temps.
Pour terminer, nous nous sommes occupé d'une femme opérée à Lodwar suite à une tuberculose extra-pulmonaire, qui s'est retrouvée avec des tuméfactions à l'abdomen après l'opération. Elle est venue nous voir parce que son traitement était terminé, mais quand nous l'avons examinée, son abdomen était bien trop gonflé. Nous lui avons fait une échographie, et nous l'avons renvoyée à Lodwar pour une reprise chirurgicale.
Voilà pour l'instant !
Nous voulions partager avec vous la photo de cet enfant peint en blanc afin de faire venir la pluie dans la région !
Rendez-vous dans un mois pour la suite de nos aventures.
On vous embrasse tous !
Andrés et Elena
Ejokonoï est une association à but non lucratif, régie par la loi du 1er juillet 1901. Parution au JO du 15 juin 2013.